Des réseaux
plus résilients et plus intelligents

Le projet TASTING, piloté par un consortium scientifique français avec le soutien de RTE, vise à renforcer la sécurité et la performance des réseaux électriques. Coup de projecteur sur les travaux de jeunes scientifiques engagés dans le développement de solutions innovantes pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables et moderniser les infrastructures.

Par Mathilde Berric (Grenoble INP-UGA), chargée de projet TASTING

Dans un contexte de transition énergétique rapide, le modèle énergétique européen évolue sous l’effet conjugué des impératifs de durabilité, de la lutte contre le changement climatique et de la décentralisation. L’ouverture des marchés a engendré de nouveaux modes de production et de consommation, rendant la résilience des réseaux plus essentielle que jamais. Pour accompagner le développement des énergies renouvelables, il est crucial de déployer des technologies capables d’en maîtriser la variabilité. Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) occupent une place centrale, malgré les défis posés par la digitalisation, la cybersécurité et l’exigence de flexibilité des systèmes.

Le projet TASTING répond précisément à ces enjeux. Grâce à l’expertise de RTE en matière de réseaux électriques et de transition numérique, il bénéficie d’un accompagnement stratégique et technique, notamment à travers des cas d’usage concrets venant nourrir les recherches académiques. Il s’articule autour de quatre grands axes de recherche principaux :

Fiabilité et cybersécurité des infrastructures :

Jonathan Bleuzen, ingénieur à l’Inria Grenoble (Ctrl-A), contribue à cet axe grâce à ses travaux de recherche sur l’amélioration d’outils de simulation existants pour favoriser l’expérimentation sur de telles infrastructures. Les outils ciblés sont les simulateurs d’infrastructure de calcul Batsim et SimGrid, pour lesquels il devient nécessaire de développer des mécanismes de boucle de contrôle pour la gestion de ressources informatiques, ainsi que du rejeu d’événement externes. Ces travaux seront menés conjointement avec Clément Mommessin dans l’axe « Optimisation du déploiement matériel » pour faciliter la mise en œuvre et l’expérimentation des algorithmes de prise de décision présentés ci-après.

Optimisation du déploiement matériel :

Clément Mommessin, post-doctorant à l’Inria Grenoble (Ctrl-A) travaille sur le déploiement auto-adaptatif de fonctions de protection et contrôle sur une infrastructure Cloud/Edge, en particulier pour le cas d’étude de la virtualisation de ces fonctions dans des postes de transformation RTE.

L’objectif est de garantir une exécution continue des fonctions de protection, en adaptant leurs configuration et placement en fonction des ressources disponibles sur les différents serveurs intégrés à un poste. La disponibilité des ressources est régie par l’occurrence d’événements externes et non contrôlés, comme la perte d’un serveur due à une panne matérielle ou une cyberattaque, ou encore une vague de chaleur limitant la performance des serveurs.

Un premier travail de modélisation d’un poste RTE avec les caractéristiques des serveurs de calculs et fonctions de protection à déployer est en cours, suivi de la conception d’algorithmes de (ré-)allocation des fonctions en réaction aux évènements externes. Enfin, un travail de développement sera fait sur des outils de simulation existants, conjointement avec Jonathan Bleuzen dans l’axe « Fiabilité et cybersécurité des infrastructures », pour expérimenter différentes solutions de placement et de réaction aux évènements externe et étudier la robustesse des mécanismes d’adaptation proposés.

Jumeaux numériques pour les réseaux multi-énergies :

Sur cet axe, Jeanne Niyonteze, doctorante au L2EP (Centrale Lille), se concentre sur la Modélisation hybride des systèmes énergétiques multi-énergie couplés, avec un focus sur le développement de jumeaux numériques hybrides. En raison de leur dynamique rapide, les turbines à gaz sont aujourd’hui utilisées comme des générateurs de secours flexibles dans les systèmes électriques. Les énergies renouvelables, fortement dépendantes des conditions météorologiques, génèrent des flux d’électricité intermittents qui perturbent les réseaux électriques.

Le couplage des réseaux gazier et électrique peut permettre d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. L’enjeu est alors d’équilibrer le système électrique en gérant la conversion d’énergie électrique vers le réseau gazier, qui sert de stockage. Un défi scientifique majeur réside dans la modélisation précise de la dynamique du réseau de gaz, généralement simplifiée. Pour améliorer la précision des modèles, il est essentiel d’intégrer les données mesurées en temps réel avec les modèles physiques. Le travail de Jeanne vise à allier la complexité des modèles à la performance en temps réel, en adoptant une approche hybride combinant modèles physiques et techniques d’apprentissage automatique. Cette recherche contribuera au développement de systèmes énergétiques plus intelligents et résilients, mieux adaptés à l’intégration des sources renouvelables intermittentes.

Architectures distribuées pour les systèmes cyber-physiques :

Face à l’intégration croissante des énergies renouvelables, dont la variabilité complexifie le pilotage du réseau, l’optimisation, historiquement centralisée, doit désormais évoluer. Pour anticiper, estimer et sécuriser le fonctionnement du réseau tout en respectant les contraintes physiques et les enjeux de confidentialité, une approche décentralisée s’impose. Thomas Omarini, doctorant à l’IETR-G2ELab réalise sa thèse sur la gestion optimale distribuée multi-pas de temps des boucles dans le réseau 63kv.

Sur ce même axe, Romaric Perthus Sallustre, doctorant au CEA-LIST, mène sa thèse sur la reconstruction de la topologie d’un réseau ramifié, en exploitant des réflectogrammes simulés et des techniques d’apprentissage automatique. Ce projet s’appuie sur des outils informatiques avancés et des plateformes matérielles spécialisées en réflectométrie, permettant de confronter les simulations aux mesures réelles. L’objectif est de créer des bases de données de réflectogrammes pour alimenter les processus d’apprentissage des algorithmes de machine learning. Cela permettra de caractériser avec précision les paramètres du réseau électrique étudié, en utilisant des méthodes de réflectométrie mono- ou multicapteurs combinées aux techniques d’IA.

À travers ces différents axes et l’implication de ses jeunes chercheurs et chercheuses, TASTING entend fournir des solutions concrètes aux enjeux de la transition énergétique, en garantissant des réseaux plus résilients, intelligents et capables de répondre aux défis futurs.


Plus d'actualités Article

 La nouvelle génération du génie électrique
  • Article
  • DC-Architect
La nouvelle génération du génie électrique
Portrait de la jeune chercheuse Joey Youssef, spécialisée dans les réseaux électriques, notamment les architectures de réseaux en courant continu.
3 octobre 2025
 BLACK-OUT un risque énergétique grandissant
  • Article
  • PowDev
BLACK-OUT un risque énergétique grandissant
Avec une intensification des aléas climatiques et la montée en puissance des renouvelables, le risque de panne systémique ou "black-out" ne cesse d’augmenter.
3 octobre 2025