Argent et indium,
matériaux critiques cibles du PV

L’argent et l’indium sont des éléments constitutifs essentiels pour le fonctionnement des cellules solaires à base de silicium. Cependant leur disponibilité et la pression sur ces ressources en font des métaux critiques. Le projet SOLSTICE propose de réduire drastiquement leur usage à l’aide de matériaux innovants et abondants.

Par Frédéric Jay (CEA) et Jean-Luc Deschanvres (CNRS – Grenoble INP-UGA), pilotes du projet Solstice

La recherche de nouveaux matériaux pour les technologies de cellules solaires photovoltaïques à base de silicium passe par l’interaction entre différents domaines ; les matériaux, les dispositifs photovoltaïques, la caractérisation fine des interfaces, ainsi que l’évaluation des risques liées au ressourcement des matières premières. C’est cette synergie qui anime le projet SOLSTICE autour du remplacement de l’indium et de l’argent.

De nos jours, les technologies de cellules solaires qui dominent le marché (>95%) sont à base de silicium et
utilisent de l’argent. Et au cœur des structures de cellule de nouvelle génération à haut rendement on peut également trouver de l’indium. Ces deux éléments apparaissent comme critiques de par leur disponibilité et leur coût.
Bien que ces matériaux ne soient pas intégrés dans liste des « matières premières critiques » par l’Europe, leur statut pourrait changer avec l’installation de Gigafactory de panneau solaire européennes. Le choix des matériaux de substitution doit donc se faire en faveur de matériaux abondants.

Structure générique de cellule solaire utilisant de l’argent et de l’indium.

Le premier étant présent dans la grille conductrice et le second, au sein des couches antireflet.


L’argent, un matériau précieux pour les cellules solaires

Plusieurs solutions sont déjà en cours de déploiement ou d’évaluation pour réduire la consommation d’argent :

Le remplacement des pâtes d’argent pur par des pâtes argent-cuivre permet une réduction de l’ordre de 40 à 60% de la quantité d’argent dans les cellules, avec des propriétés légèrement moins conductrices. Les développements portent sur l’amélioration de la conductivité et l’augmentation du ratio de cuivre dans les pâtes. Ce type de matériau permet de maintenir les procédés standards par sérigraphie, tout en gardant des rendements similaires. Cependant, à l’heure actuelle, une légère perte d’efficacité est observée (0.1-0.3%, suivant s’il est utilisé sur une ou deux faces de la cellule).

Cellule solaire complète avec sa grille d’argent
© L.Godard – CEA

Le remplacement des grilles d’argent par des grilles de cuivre par méthode d’électrodéposition, nécessite des étapes additionnelles afin de permettre l’adhésion du cuivre sur la surface des cellules et de limiter la diffusion du cuivre dans le silicium. Le cuivre peut représenter une alternative intéressante, étant nettement plus abondant que l’argent (environ 1000 fois supérieur) et son utilisation en tant qu’électrode serait négligeable comparé aux autres applications. Il faut toutefois rester prudent car le cuivre est un matériau clé pour l’électrification de masse des sources d’énergie ; dans le futur le PV se trouvera en compétition avec d’autres technologies pour ce matériau.

  • Les grilles conductrices des cellules solaires, présentes sur chaque face, sont essentiellement composées d’argent.
  • Ces grilles d’argent servent d’électrodes positives et négatives et donc participent à la collecte des charges électriques.
  • Elles sont couramment déposées par sérigraphie à l’aide de pâtes d’argent, qui sont ensuite recuites pour supprimer toute trace de solvant et activer leurs propriétés de conduction électrique.
  • La forte conductivité de l’argent permet l’utilisation de lignes fines, limitant d’une part l’effet d’ombrage lié à la réflexion de la lumière incidente par les lignes d’argent et d’autre part les pertes résistives dans le dispositif.
  • A l’heure actuelle, environ 30-35% de la consommation mondiale d’argent est dédiée à la production de panneaux solaires.
  • Dans le futur, l’augmentation des capacités de production de panneaux solaires nécessitera une division par quinze de la quantité d’argent utilisé dans les dispositifs.

L’indium, un métal rare aux propriétés multiples

Ces dernières années de nombreuses solutions ont été explorées, notamment :

Diminution des quantités d’indium utilisées. Dans ce cas, la couche d’ITO est réduite à son rôle électrique de transport latéral/vertical des charges, la partie optique étant assurée par une autre couche. Ces solutions permettent de réduire jusqu’à 70% l’épaisseur des couches contenant de l’indium, mais impose une étape de procédé supplémentaire.

Précurseur de cellule solaire sans et avec son revêtement antireflet (en violet)
© Avarian – CEA

Remplacement par des matériaux sans indium, tels que des matériaux à base d’oxyde de zinc avec différents dopages ou d’oxyde d’étain. Cependant, ces matériaux ont pour la plupart montré des performances électriques inférieures à celles des TCO à base d’indium et surtout une stabilité moindre sous condition réelle de fonctionnement (humidité), induisant une dégradation des performances à court terme.

Remplacement des TCO par des couches de contact sous la métallisation avec un remplacement du TCO par un diélectrique pour la partie optique. Ces structures restent tout de même exploratoires avec des étapes de procédé complexes et montrent des performances moindres.

L’indium est principalement utilisé dans les oxydes transparent conducteur (TCO) aux rôles multiples :

  • Anti-réflecteur : il permet de capter une partie plus importante des photons en limitant leur réflexion à la surface des cellules.
  • Transparent dans le spectre lumineux ultraviolet, visible et proche infrarouge.
  • Transport latéral des charges depuis les couches sélectives des cellules vers les grilles de métallisation.
  • Couche contact entre les couches sélectives et les métallisations, donc limite les pertes résistives verticales.
  • Protection des couches sous-jacentes de la diffusion de contaminants métalliques (comme le cuivre) et de l’humidité.

Les TCO à base d’indium ont l’avantage de répondre à l’ensemble de ces critères, avec de très bonnes conductivités et des techniques de dépôt à forte cadence, généralement par pulvérisation cathodique.

Son utilisation dans le photovoltaïque correspond à moins de 10% de l’approvisionnement total de l’indium, en concurrence avec l’industrie des écrans plats, LEDs ou encore de la microélectronique et de la soudure. De plus, ce matériau est sujet à de fortes variations du cours du prix de la matière première. Dans les projections d’augmentation des capacités de production des cellules solaires, la quantité d’indium utilisée devra être réduite de 90%, voire complètement supprimée.


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