Agrivoltaïsme :
concilier environnement et énergie

Le domaine assez récent de l’agrivoltaïsme est un terrain fertile pour de nombreux projets de recherche, allant de l’optimisation de la production d’énergie à l’étude de son impact sur les ressources environnementales. A travers deux recherches menées parallèlement au XLIM et au LMD, les projets Smart4Module et AgriPV-ER du PEPR nous présentent leurs perspectives dans ce domaine.

Par Romain Feilleux-Anginieur (CEA), pilote du projet Smart4Module

Le domaine de l’agrivoltaïsme (ou AgriPV) connaît un essor rapide depuis une dizaine d’années, passant d’une capacité installée initiale de 5 MW en 2012 à 2,8 GW en 2020, en raison de sa capacité à concilier l’utilisation des terres arables disponibles avec la production d’électricité à grande échelle grâce aux modules photovoltaïques.

Il existe différentes technologies photovoltaïques au sol qui constituent une vaste base de données de solutions pour les applications photovoltaïques agricoles. Elles varient en fonction du type de structure porteuse (en hauteur, fixe ou équipée de systèmes de suivi du soleil), de la technologie des modules PV (silicium cristallin ou films minces, opaques ou translucides, monofaciaux ou bifaciaux), de l’espacement requis entre les structures ou de la hauteur par rapport au sol. Cependant, selon la technologie choisie, la synergie de la coproduction d’aliments et d’énergie sera plus ou moins optimisée.

L’implantation physique des modules dépend intrinsèquement de la technologie de cellule. L’intégration des modules PV doit prendre en compte la liberté de mouvement des agriculteurs et des machines, l’adaptation de la hauteur des structures aux cultures ou aux animaux, le microclimat sous les modules (apport solaire, régulation de la température de l’air ambiant), la régulation de l’évaporation et de l’évapotranspiration des cultures pour une meilleure gestion de l’eau, la protection contre les intempéries et les systèmes d’irrigation. L’emploi de technologies basées sur le silicium cristallin promet à ce jour les meilleurs rendements, particulièrement en couplage avec des systèmes de suivi du soleil. Cependant, l’opacité du silicium dans le spectre visible contraint l’intégration de ces modules et affecte le taux de couverture.

Crédits photo : Energy 4 Climate – SIRTA

Les travaux de recherche de Camille Frouin, doctorante au XLIM sous la direction de Johann Bouclé, visent à développer les technologies photovoltaïques semi-transparentes, particulièrement pertinentes car elles peuvent offrir un taux de couverture de 100 %, contrairement aux technologies photovoltaïques opaques. De plus, elles ont le potentiel d’assurer un environnement de croissance adapté en laissant passer le rayonnement photosynthétique tout en convertissant en électricité le spectre complémentaire absorbé.

En s’appuyant sur la littérature existante, le cœur scientifique de ces travaux est de co-optimiser spécifiquement l’efficacité de récolte d’énergie et l’efficacité photosynthétique par l’ingénierie de la transmission des dispositifs, via l’intégration de matériaux actifs de pointe, l’optimisation des électrodes semi-transparentes imprimables, ainsi que leur simulation optique et optimisation.

Cette approche multiphysique s’appuiera en particulier sur un indicateur de performance, l’efficacité photosynthétique (PE), pour co-optimiser la production d’électricité à partir des modules photovoltaïques organiques sélectifs semi-transparents proposés sans compromettre la croissance utile des cultures, mais en limitant, dans la mesure du possible, la prolifération des plantes parasites.


Le modèle « ORCHIDEE »

Par Lia Rapella, doctorante au LMD et membre du projet AgriPV-ER

La technologie PV est au service de l’agriculture, en particulier vis-à-vis de l’adaptation au changement climatique et les enjeux de l’Agri-PV reposent dans la compréhension fine des comportements synergétiques entre production d’électricité et protection des cultures.

Le changement climatique dans la région euroméditerranéenne aggrave les conditions agricoles en rendant les terres plus vulnérables et en réduisant les ressources en eau. Face à ces défis, l’AgriPV émerge comme une solution prometteuse pour le nexus eau-énergie-alimentation-écosystèmes (EEAE). En combinant production photovoltaïque et agriculture sur une même surface, il peut renforcer la résilience agricole, réduire la consommation d’eau et promouvoir les énergies renouvelables, tout en réduisant la compétition entre production énergétique et agricole pour l’usage des terres. Cependant, ses effets dépendent du climat, des cultures et du contexte géographique, et l’absence d’études à grande échelle limite la compréhension de ces variations.

Ferme agriphotovoltaïque du SIRTA (Palaiseau, France) utilisée comme référence pour le développement du modèle AgriPV.

Les travaux de recherche de Lia Rapella, doctorante à l’Ecole Polytechnique sous la direction de Philipe Drobinski, visent à combler cette lacune. Dans le cadre du PEPR , elle a développé un modèle AgriPV à l’échelle régionale intégré aux modèles climatiques régionaux et au modèle de surface terrestre ORCHIDEE (Organisation du Carbone et de l’Hydrologie dans les Écosystèmes Dynamiques) de l’IPSL, utilisé pour la première fois pour simuler le fonctionnement d’un système AgriPV. Cette approche permet d’explorer les interactions entre le climat, l’AgriPV et les cultures dans le cadre du nexus EEAE, autant dans le présent que dans le futur

L’application du modèle en péninsule Ibérique et aux Pays-Bas démontre sa capacité à saisir les nuances régionales, révélant le potentiel des systèmes AgriPV pour redéfinir les liens au sein du nexus EEAE, réduisant ressources et impacts environnementaux, surtout dans les régions vulnérables. Dans la région plus sèche de la péninsule Ibérique – caractérisée par un rayonnement solaire abondant et peu de précipitations – l’AgriPV offre de nombreux avantages : augmentation de la productivité agricole, renforcement de la sécurité alimentaire et meilleure utilisation de l’eau et des terres, tout en produisant de l’énergie renouvelable. En revanche, aux Pays-Bas, caractérisés par des précipitations abondantes et un plus faible rayonnement solaire, l’AgriPV tend à réduire la productivité des cultures, et les gains en termes d’utilisation d’eau et des terres sont moins marquées.

Cela suggère que les bénéfices des systèmes AgriPV ne sont pas uniformément répartis à travers les différents contextes climatiques, soulignant la nécessité de compromis lors de leur mise en œuvre, car ces avantages peuvent varier d’une région à l’autre.


Plus d'actualités Article

 Plongée au cœur des cellules pérovskites
  • Article
  • Minotaure
Plongée au cœur des cellules pérovskites
Les équipes du projet MINOTAURE ont développé un nouveau dispositif capable de mesurer en temps réel la température interne des cellules solaires à base de pérovskites.
5 décembre 2025
 BD SolairePV – Interview avec Macha Bellinghery
  • Article
  • PEPR
BD SolairePV – Interview avec Macha Bellinghery
Interview de l'illustratrice Macha Bellinghery, qui a travaillé avec un collectif de scientifiques du CNRS sur la BD "Le solaire photovoltaïque en France", soutenue par le PEPR TASE.
20 octobre 2025
 La nouvelle génération du génie électrique
  • Article
  • DC-Architect
La nouvelle génération du génie électrique
Portrait de la jeune chercheuse Joey Youssef, spécialisée dans les réseaux électriques, notamment les architectures de réseaux en courant continu.
3 octobre 2025